La première partie, sans doute la plus directement utile pour le chercheur qui voudrait entreprendre une étude détaillée et ponctuelle sur la gestion par Saint-Victor de ses archives et de son patrimoine, décrit la situation actuelle des archives de l'abbaye conservées pour la plupart aux Archives Nationales, examine les différentes étapes de leur formation, mal connues pour les débuts, en l'absence d'étude spécifique et d'inventaires conserves. Le premier grand inventaire dont nous disposons remonte au milieu du XVe siècle: c'est le grand inventaire de 1447 qui parait englober tous les documents conserves dans l'abbaye à ce moment la. En deçà du XVe s. les témoignages ne peuvent être qu'indirects mais ils existent: les mentions au dos des actes, pour le XIIe s. et les trois cartulaires du XIIIe s. attestent de classements anciens, remontant vraisemblablement au milieu du XIIe s. ou à la décennie qui suivit. Le système de classement de ces époques se reflète fidèlement dans l'inventaire de 1447: les classements médiévaux peuvent donc être étudiés à partir d'un examen approfondi des inventaires et classements postérieurs, du XVe au XVIIIe siècle. Une analyse minutieuse, jusqu'ici jamais faite, de l'inventaire de 1447, conserve dans une copie de la deuxième moitie du XVIIe s., permet de comprendre pourquoi l'abbaye prit soin, à l'issue d'une période de grands |291| troubles, de ses archives, et comment elle les conservait du temps de l'abbé André Barre, de la difficile reconstruction de l'abbaye et de sa réorganisation avec l'aide du roi Charles VII. Cet inventaire est sans nul doute l'œuvre du prieur Jean Lamasse, devenu abbé en 1448 et de son successeur le prieur Guillaume Tuisselet qui alla jusqu'à Marseille copier les anciens documents de l'antique abbaye bénédictine et composa un recueil de textes historiques. C'est donc ce Repertorium chartarum regalis abbatiae Sancti Victoris Parisiensis qui nous fait connaître la disposition des archives de l'abbaye au milieu du XVe s.: 2736 documents couvrant plus de trois siècles; ces documents sont conserves dans soixante quatorze scrinia: on peut interpréter ce mot comme correspondant à des coffres assez petits car ils ne renferment qu'assez peu de documents, de huit à quatre vingt dix neuf, d'une grosseur comparable à nos cartons d'archives; peut-être ont-ils constitue des tiroirs d'une armoire, de sorte que souvent un fonds important devait être distribue en plusieurs coffres. À chaque coffre correspond un chapitre de l'inventaire car le classement est fait suivant les possessions, avec en tête le regroupement de documents royaux, pontificaux, épiscopaux. Chaque coffre portait l'indication du contenu, correspondant aux titres des chapitres de l'inventaire. Une description détaillée du contenu de chaque coffre permet de mesurer l'importance de la documentation pour chaque possession et de voir que cet inventaire est fonde sur une réalité beaucoup plus ancienne, réorganisée après la guerre de Cent Ans. Pour les siècles postérieurs existent des instruments de travail plus nombreux: un cartulaire de documents pontificaux datant de 1545, contenant des documents de 1114 a 1357, le cartulaire de la Chambre, établi après 1476, en onze chapitres classes par lieux de possessions, les deux inventaires de la mensa abbatis constituée en 1545 par l'abbé commandataire: Fun est de 1710 et présenté une combinaison de lettres et de chiffres permettant une subdivision en unités plus petites; le deuxième, de 1764, constitue par le garde des archives, Jacques Griffe de la Genetière, contient tous les documents de la mensa abbatis à partir de 1727. Les inventaires de la mensa conventus ne sont pas conservés. Dans une dernière partie, l'auteur décrit, avec la destruction brutale et radicale de l'abbaye par les Révolutionnaires, la dispersion des fonds de la bibliothèque (5500 f°, 8800 4°, 20.000 8° et 1800 manuscrits) éclatée en plusieurs dépôts et collections privées, et des archives dont on ne sait pas grand chose pour les années 1790-1793; leur dépôt a l'Hôtel Soubise, leur destruction partielle par le décret de la Convention (24 juin 1794), de tout “ce qui était inutile” et leur recomposition artificielle suivant les séries que nous connaissons encore aujourd'hui aux Archives Nationales: H5, K, L, LL, N, S, T, et Z, dont le contenu est précise en quelques mots, de même que quelques fonds isolés. Puis, suivant une division des chapitres quelque peu obscure, l'auteur aborde l'étude des documents et témoignages antérieurs à l'inventaire de 1447: 1° les cartulaires du XIIIe s. et avant tout celui de 1240 (Arch. Nat., LL 1450A). Après une description matérielle très précise, est analyse le contenu du document, divise en trente neuf chapitres aujourd'hui reliés en désordre, mais dont l'auteur rétablit l'ordre originel: chapitres groupés par matière: rapports avec Sainte-Geneviève, possessions en Île de France, prieurés et églises, puis revenus du monastère. Les copies sont transcrites suivant la méthode traditionnelle des inventaires médiévaux, avec suppression des formules, de la date, des listes de témoins etc … Deux autres cartulaires sont signalés pour cette période: le cartulaire du prébendier (office créé dans la deuxième moitie du XIIe s.), dont la première partie est de 1260, la suite allant jusqu'au XVe s., et le cartulaire de l'aumônier, de la fin du XIIIe s. d'une autre main un peu plus tardive. L'office d'aumônier remonte à la fondation de l'abbaye et figure dans le Liber Ordinis; ses biens, surtout en nature, sont situés au sud de Paris, à proximité de l'abbaye. 2° les inscriptions figurant sur les documents eux mêmes et témoignant d'un classement des archives des le XIIe s., probablement dans l'ordre des coffres tel qu'il apparaît dans l'inventaire de 1240 (40 coffres et au moins 1000 documents). Ces mentions portées au dos des documents sont, en l'absence de tout témoignage direct, d'un intérêt tout a fait singulier: elles permettaient en effet d'identifier facilement les documents qui reposaient a plat les uns sur les autres, le dos vers le haut. L'auteur relève une série de mentions (ou analyses) |292| dorsales de la main d'un scribe que nous avons identifie dans nos études sur les écrits de Saint-Victor et la chancellerie royale, et que nous avons appelé “G”, qui travailla comme rédacteur d'actes et “réviseur” de manuscrits entre 1166 et 1187: l'ensemble de nos observations est exposée ici, avec l'identification d'une autre main, des années 1220-1230, qui transcrivit la première rédaction du grand cartulaire de 1240. L'auteur signale rapidement les autres mentions du XVe s., fort nombreuses, à l'encre noire et rouge, et les notes postérieures jusqu'au XIXe s. Grâce à ces mentions on peut étudier l'histoire des archives depuis les débuts jusqu'à la Révolution.